Un été avec Picasso…

Christian Fournols, le 16 août 2018

Au fil des expositions sur « Picasso Méditerranée » (1), des images et des mots qui restent et un maître qui nous guide :
« Je ne cherche pas. Je trouve »…
« Ce qui compte, c’est ce qu’on fait, et non ce qu’on avait l’intention de faire. »…
mais aussi,
« Les autres parlent, moi je travaille. »…
enfin,
« Tout l’intérêt de l’art se trouve dans le commencement. Après le commencement, c’est déjà la fin. »
Quel encouragement pour agir et faire.


Et encore :
« Rien ne peut être fait sans la solitude. Je me suis créé une solitude que personne ne soupçonne. »

Pour en finir ! « L’art, quel qu’il soit, se doit d’engager l’être tout entier, de l’obliger à se donner sans restriction aucune. »

Un autre jour d’été, la lecture d’un article de Cynthia Fleury (2), sur l’éloge d’une vertu qui fait tenir au quotidien, le courage, le moteur de ce commencement :

« Pas de courage sans peur, sans interrogation sur le sens du risque à prendre, sur le sens de l’action à mener, sur le projet qui sous-­‐tend l’acte courageux. C’est cela qui fait du courage quelque chose de la décision. Ce n’est pas qu’il existe des tempéraments plus enclins au courage, qu’il faut nous reposer sur ces derniers. Il est important au contraire, de cultiver collectivement cette valeur. »

A l’échelle de l’individu, de tout groupement humain, de l’entreprise, d’un pays… c’est une valeur à retrouver et cultiver.

« C’est une vertu humaine qui permet de transformer le monde. Elle est créatrice en ce sens qu’elle travaille avec l’inconnu : on sait ce que l’on lâche, mais pas ce qu’on récupère.
Le courage, c’est l’inverse de ce que nous suggère le monde très calculateur et très consommateur dans lequel nous sommes plongés, où l’on ne fait quelque chose que quand on est sûr du résultat. »

Une société à l’inverse d’un Picasso : « La réussite est le résultat de trouvailles refusées » et à l’occasion d’un échange avec Dali : « Je viens chez vous avant d’aller visiter le Louvre » dit Dali. « Vous avez bien fait » répondit Picasso. (dixit : c’est ici que ça se passe aujourd’hui)

Donc « Le courage, c’est faire quelque chose parce qu’il faut le faire. Que cela nous mène ou pas à une situation compliquée. Le courage est validé par un chemin, et non pas par le résultat. »

La médecine, aujourd’hui, emprunte un nouveau chemin, et nécessite ce courage. Nous nous devons de l’emprunter. Situation complexe devant les innovations technologiques, mais lumineuse à l’esprit, au défi, au travail, à l’espoir.
C’est faire « le métier d’homme » comme l’a écrit Albert Camus.
Ne pas s’y soustraire, s’y engager avec humanisme.

Toujours Cynthia Fleury :

« Quand je vois des patients qui sont menacés par l’érosion de soi, parce qu’ils ont « renoncé » par usure, par fatigue, par mauvais discernement, et qui tombent en dépression ou pire, je leur dis de commencer par se ressaisir de leur courage : forcez vous, dites non, refaites ce petit geste de mener un combat, même infime, et vous allez récupérer une confiance qui est vitale. Sinon vous allez tomber malade. Le courage est protecteur du sujet alors que bien souvent dans ces états là, le premier reflexe est de fuir, de surtout éviter ce qui pourrait être source de nouveaux ennuis. Mais au contraire, c’est la dissociation permanente des principes et des actes qui est destructrice. »

Comme tout se rejoint !

Quelques notes de lecture sur l’ouvrage d’un neurochirurgien anglais du Saint Georges Hospital, Henry March (3) :

« On croit à tort que ce que nous faisons avec les mains, la technique pure, est la part difficile du métier. Il n’en n’est rien. La part difficile, c’est la prise de décision. »

La décision, toujours ce courage.
Son livre traite aussi et surtout, dit-­‐il, de la faillibilité, de la difficulté de l’accepter et de sa nécessité.
Il cite un grand médecin français René Leriche : « Tout médecin porte en lui un cimetière d’amertume et de regrets dans lequel il va prier de temps en temps et chercher une explication à ses échecs. »
Lucide, dur et humain à la fois.
Oui, le courage de la remise en question. Mais l’humilité plutôt que l’amertume pour avancer.

Pour en revenir à Picasso et à sa force de vie, dans toutes ses métamorphoses :

« Qu’est ce que je vais encore m’apprendre à moi même que je ne savais pas. »
…… « C’est aux erreurs que l’on reconnaît le génie. »

Le génie, cette fois-­‐ci russe, de Mikhaïl Rudy (4), ami très cher et immense pianiste habité et porté par la musique, qui lors d’une soirée d’été sous les étoiles, glisse, malicieux et grave, au détour d’une phrase : « En Russie, même le passé est imprévisible ! »

Alors, encore un été en Méditerranée avec Picasso… les taureaux, les arènes, les chevaux…… le soleil, la mer, le sable… la famille…… les amis…

Réf:
(1) A l’initiative du musée national Picasso‐Paris, plus de 70 institutions ont imaginé ensemble une programmation autour de l’oeuvre « obstinément méditerranéenne » de Pablo Picasso. (Musée Fabre–Montpellier, Carrières de lumière-­Les Baux en Provence, Abbaye de Montmajour­‐Arles, Aix en Provence, Marseille, Barcelone, etc…)

(2) Cynthia Fleury, Philosophe, Professeure au conservatoire national des arts et métiers, titulaire de la chaire humanités et santé.

(3) Henry Marsh « Entre mes mains, confessions d’un neurochirurgien »

(4) Mikhaïl Rudy, né en URSS, à Donetsk. Elève du célèbre conservatoire Tchaïkovski de Moscou, il remporte en 1975 le premier grand prix Marguerite Long, puis au cours de sa première tournée en occident, demande l’asile politique en France. De Rostropovitch à Karajan, Mazel, Jansons et Tilson Thomas, il enregistre plus de
30 disques qui ont reçu les plus grands prix internationaux. Exceptionnel soliste international reconnu, il parcourt le monde entier sur les plus grandes scènes. Il explore aussi différentes formes d’art, toujours à la recherche de projets innovants, il a écrit « Le roman d’un pianiste ».